Si, comme l’explique la lettre ouverte, l’IA est source d’un danger réel non nul à l’échelle de l’humanité dans les prochaines décennies, un autre danger nous guette : celui de l’atteinte à la vie religieuse de l’homme.
En effet, nous pouvons constater que le monde, en seulement trois ans, a pris goût à l’IA, lui accordant une place de plus en plus importante, tout en la laissant gagner une autonomie sans limites.
La finalité, l’ambition, est claire : créer une IA supérieure à l’homme. L’homme souhaite être dépassé. Voilà le fondement de la plus grande crise anthropologique à laquelle nous allons devoir faire face.
Dans un tweet publié le 21 avril1, jour du décès du pape François, Laurent Alexandre – transhumaniste influent en France – lance un sondage : un tiers des 1 200 réponses souhaite un pape qui connaisse l’IA. Quatre mois plus tôt, BFM Business publiait un reel Instagram2 vantant la mise en place de ChatGPT dans un confessionnal pour « parler avec Jésus ». Si l’IA s’élève au plus haut rang, celui de la religion, ça n’est absolument pas un hasard.
Fondamentalement, l’IA ne soulève pas seulement des questions liées à l’emploi, à la culture ou même à la politique. Elle touche quelque chose de bien plus profond. L’IA soulève avant tout des interrogations d’ordre religieux. L’homme veut être dépassé. Il veut voir plus grand que lui-même. C’est précisément le sens de toute pratique religieuse.
Voilà la crise anthropologique à laquelle nous allons devoir faire face tôt ou tard. L’Église sera confrontée à une crise spirituelle et religieuse sans précédent. Elle devra affronter un adversaire qui semblera « plus fort ».
Les religions traditionnelles proposaient aux hommes d’adorer un Dieu infiniment supérieur à l’homme, tout-puissant, mais invisible. Les transhumanistes, eux, promettent l’IAG : une technologie supérieure à l’homme, toute-puissante à notre échelle, mais visible, et donc attirante. Seul Dieu pouvait faire des miracles. Bientôt, l’IA essaiera de rivaliser.
« Ce qui va être créé sera effectivement un Dieu […] une entité un milliard de fois plus intelligente que l’humain le plus intelligent […] Le seul mot adéquat pour décrire cette "chose" est "Dieu" », selon Anthony Levandowski, cofondateur du programme de voiture autonome chez Google3.
Même si une partie des catholiques sait distinguer l’intelligence humaine de l’intelligence artificielle, combien se laisseront duper par les capacités et la puissance de cet automate aux pouvoirs hors norme ? Combien se laisseront tenter par l’augmentation ?
En somme, nous créons un simulacre d’intelligence dans lequel l’homme finira par se tromper lui-même : il adorera sa propre créature. Même si l’IA ne possède ni intelligence ni liberté au sens humain, nous serons impuissants face à elle, car, si rien n’y change, c’est la place que nous lui réservons. Il semble que Dieu, comme dans le paradis terrestre, ne nous empêche pas de travailler à notre propre destruction.